L’eau coule … je suis trempé … il fait froid … Quel temps de merde décidément, c’est pas ma veine aujourd’hui …
Veine ? Veine ! Ce mot résonne en moi comme l’écho d’un chant d’hirondelles en pleine cathédrale … Mes yeux se mettent à briller de mille feux, ma bouche s’assèche, sensation d’astringence bien trop familière … Je suis en manque …
Mes mains tremblent, signe d’un désir grandissant. Rapidement je m’agenouille, j’enlève le baluchon accroché à ma ceinture et l’ouvre. J’en sort, comme à l’accoutumée, une modeste petite sacoche de cuir, sorte de vieille bourse à pièces cuivrées. J’en défait le lacet l’entourant, et la déplie, sur tout son flanc. S’en suis, mécanique gestuelle digne du plus lobotomisé des hommes, la sortie de ce fin morceau de roseau, arraché quelques temps plutôt à son espace naturel.
Je suis à même le sol, reclus sous ce qui semblait autre fois être une énorme arche de style gothique, l’entrée d’un village, ou d’un château certainement, que sais-je … Le temps presse …
Sur les quelques centimètres carrés d’abris me restant face à ce crachas hydraulique, je m’exerce, et d’un trait d’un seul, me voilà redevenu l’homme que je connais … l’homme épanoui, ahuri devant toute la beauté du monde, devant ses quelques pierres juxtaposées les unes aux autres et formant, en leur ensemble, un mur d’une architecture remarquable …
Remballant l’attirail, je me relève et constate …
J’observe, longuement, le paysage qui s’offre à moi, et comme juste retour des choses, de ce démon que j’ingère avec déraison, mes sens s’étouffent, se perdent dans ce lieu aux dimensions atemporelles.
Il est des spectacles que l’on n’oubli jamais, et celui-ci en fait parti.
Alors que mes yeux luttent contre le voile opaque de l’enivrement qui vient les quérir, j’arrive à percevoir cette « chose », ce monstre, cette tour, là, devant moi, à peut être bien une lieu de distance, et pourtant, elle me parait gigantesque …
Détachant difficilement mes globes oculaires de ce joyau minéral, mon regard se porte sur une autre curiosité de cette fresque in vivo, que je m’applique à contempler. Là, devant moi, et cette fois-ci juste à quelques dizaines de mètre, s’élève ce qui devait être autre fois, une immense fontaine. Mais mon esprit reliant le conscient et l’inconscient, je me rend compte, qu’au pied de ce qui me semblait être un ex-jet d’eau, il n’y a point de bassin, mais plutôt, quelque chose que l’on pourrait qualifier … d’autel …
Comme un enfant devant son premier cadeau, j’examine, je juge, je critique, et mon regard en vient tout naturellement à scruter de plus près ce « jet d’eau ». Poutre unique et monumentale se dressant vers le ciel, quelques embranchements par ci, par là, arrosée de clous et autres pointes s’exhibant avec fierté, ce « jet d’eau » n’est en fait que le centre d’un monde.
Sentant les lames pluvieuses du ciel fouetter mon visage, réalisant ce qu’était en fait ce monument, je me crispe d’effroi.
Un monument au mort ! Hé bien et bien … Que de réjouissances en ce monde …
Alors que le poison fait effet, je me dévoile, mes yeux s’injectent de sang et mon visage devient sévère … ma voix, devenue sépulcrale, d’un grave sortant tout droit des entrailles de la Terre s’élève parmi ce panel de ruines …
« Mouahahahahaaaaaaaaaaaaa, une cité défunte ! Magnifique, exquis ! »
J’avançais de pied ferme, slalomant entre les différents blocs rectangulaires s’étant détachés de ci de là des parois autrefois solides de nombre de ces bâtiments lorsque tout à coup, alors que mon regard se portait vers le ciel et son apparent mécontentement vis-à-vis de ma démarche, mes pieds vinrent buter sur une fine planche de bois, mal couchée sur le sol crasseux et boueux de cet endroit.
M’accroupissant, je la libère de l’emprise Terrestre et la nettoie de quelques caresses données de mes mains. C’est alors qu’agissant comme sous l’effet aphrodisiaque de ma personne, là voilà en train de me révéler un de ces nombreux secrets …
« Te voici arrivé ici … chez nous … à Ykual … »