L'éveil du Djeeird

La vie d'un guerrier est loin d'être de tout repos. Chaque jour est un combat avec la mort, prête à tout pour prendre une vie. Surtout pour un Félys, pour qui le moindre coup peut être fatal. Il faut toujours être sur ses gardes. Un guerrier doit être conscient que le jour présent peut être le dernier.
Mais il l'accepte, il vit pour cela. Il sait que ceux qui vivent par les armes mourront par les armes. C'est son destin, et il n'y peut rien. Au contraire, il défit la mort, et l'attend avec une impatience masquée, la mort qui saura le libérer d'une existence si cruelle. Car seule une vie de malheurs peut pousser un juste à combattre.

Rico était l'un d'entre eux. Depuis sa naissance il était destiné à devenir Guerrier, à mené toute sa vie un combat qu'il ne pourra pas gagner. Il eu une enfance difficile qui le mena au seins des Anges Libres. Cela faisait déjà 2 ans à présent qu'il s'entraînait dans leur forteresse et à leur cotés. Il était même parvenu à s'affirmer comme un membre assez important aux yeux de ses camarades.
Il avait choisi de rallier les forces du bien pour mettre sa furie au service d'une noble cause plutôt que de sombrer dans la folie meurtrière propre à ses ennemis. Et il en était fier. Il était devenu un fervent défenseur du bien. Sa réputation le devançait régulièrement. Les gens lui faisaient confiance, le prenait pour confident, et quelques fois lui confiaient leur vie.
C'est ainsi que les personnes qui le connaissaient l'imaginaient. Rares étaient ceux qui osaient imaginer ce qu'était la réalité. Une Vérité si douloureuse, que même Rico avait préféré l'oublier pour se consacrer à son nouveau but, aussi vain que futile qu'était de combattre le mal. Cette vérité n'était qu'un sentiment, un petit remous au fin fond de lui qui lui rappelait régulièrement son existence passée.
"Il est en moi, comme un parasite, qui ne me quittera plus..."

Ce sentiment fut forgé par son passé difficile, tous ces malheurs qu'il rencontrait ne firent qu'attiser cette petite flamme douloureuse. Une flamme qui le consumait, qui lui rappelle sa haine, et qui l'envahissait peu à peu.

L'écusson d'Ange Libre qu'il arborait fièrement n'était plus qu'un moyen de canaliser cette colère. Tous ignoraient la réalité, même lui préférait ne pas y penser et tentait de l'enfouir au tréfonds de ses souvenirs. Tout en sachant qu'un jour, il devra lui faire face.
En attendant, il préférait servir son clan, comme le sage petit soldat qu'il était. Pour combien de temps encore...
"Se battre contre ce genre de choses ne sert à rien. Quelques fois, il faut accepter la défaite, mais il est toujours possible de fuir. "

Le mal grandissait en lui, comme un malaise profond qu’il ne parvenait plus à canaliser. Chaque jour il croisait des humains, il les haïssait... en silence... Son envie de les égorger s’intensifiait de lunes en lunes, et il n'y pouvait rien… Le comte à rebours était à présent lancé.

Puis un jour, un espoir lui vint enfin. Cet espoir était une Félysse. La plus belle de toutes. La seule qui sus l’émouvoir. Elle parvint à lui redonner espoir et courage… A tenter d’oublier le passé pour une vie future. Durant plusieurs jours, il tenta de la séduire, mais il n'osait pas lui dévoiler son passé de peur de la faire fuir. Cette partie inconnue finit par l’effrayer pour des raisons qui restaient inconnues.

Régulièrement il la rencontrait, Leurs destins semblaient liés par le sort. Tellement de coïncidences ne pouvaient êtres dus au hasard. Elle était devenu son seul espoir, elle sus apaiser son âme comme personne n’y était jamais parvenu auparavant. Il imaginait déjà sa vie avec elle. Peut-être même faire des bambins, des petits guerriers qui lui permettraient de passer le relais aux générations avenirs. Pour donner la part de Djeerid qu'il possédait afin de faire vivre sa troupe... ou au moins ne pas la laisser disparaître à jamais.

Mais ces espoirs se révélèrent vains, en quelques jours Rico fut repoussé pas celle qu’il aimait, sans savoir pourquoi. Après lui avoir laissé penser qu'elle éprouvait des sentiments elle s'enfuis dans les ténèbres en abandonnant Rico à son triste avenir.
Quelques jours plus tard il la vit à nouveau, mais fut trahi par l'un de ses bons amis corrompus par la jalousie. Tant de douleur.
La vie ne valait plus la peine d’être vécue.
Rico perdait espoir, tout ce en quoi il croyait s'effondrait autour de lui. Il avait l'impression que les dieux se liguaient contre lui afin de le torturer. Son esprit fut pris d'une longue période de troubles, il n'était plus capable de faire quoi que ce soit. Il passait ses journées perché sur un arbre à regarder le lointain pour tenter de comprendre ce qui lui arrivait.
Tout ce en quoi il croyait, ce en quoi il fondait ses espoirs n'avait plus aucun sens. L’essence même de son existence était à remettre en doute.
"Et si je me trompais. Aurais-je tord ?"

Son mal finit par inquiéter ses compagnons qui tentèrent de le soigner. Mais la médecine et les sorts ne pouvaient rien pour guérir une douleur si profonde. Certains parlaient d'un simple chagrin d'amour, d'autres n'hésitaient pas à parler de possession démoniaque.
En réalité ces termes révélaient une grande incompréhension.

Après quelques lunes, Rico sortit de son sommeil… Différent. Un rêve dont seul lui connaissait la signification le convint de repartir à la recherche de sa famille dont il ne savait presque rien. Ce matin-là il prépara ses affaires et quitta la forteresse des Anges Libres sans en parler à personne.
Cette décision, il la regrettera plus tard… Les Anges Libre lui avaient donné une chance. Ils étaient devenu sa nouvelle famille… Et jamais il ne les oubliera.
Il ignorait qu'il n'allait plus y revenir d'aussitôt, peut-être même jamais.

Son long voyage débuta alors. Il avait déjà tenté maintes fois de retrouver ses semblables, mais jamais il n'y été parvenu.
Malgré tout, il pensait pouvoir y arriver... Cette fois, c'était différent. Dans son rêve, il s'était souvenu du nom de la ville dans laquelle il fut recueilli par l'armée de Félys qui l'éduqua après le massacre de sa famille.
Cette même ville où il fut retenu prisonnier durant plusieurs semaines, enfermé dans une cage comme un animal. Ce nom était fondamental pour ses recherches.
Dans une petite boutique pour aventurier, il se procura une carte qui indiquait la position du bourg recherché. La ville était devenue une riche citée prospère, gouvernée par un bon seigneur.


Après avoir fait le plein de provisions, il se mit en marche. Il retrouva vite le goût du voyage et ne pensait déjà plus aux Anges Libres qui devaient s'inquiéter de son départ inopiné. Pourtant il continuait à porter leur blason. Il continuait à refuser le fait qu'il les avait quittés. Dans son esprit, il resterait à jamais un Ange Libres, et ce petit bouclier bleu sur sa tunique en restera le symbole.

Durant son voyage, il continua à défendre les principes qui étaient les siens en aidant les personnes en détresses. De nombreux habitants l'accueillirent chez eux, lui offrant lit et couvert pour le simple fait qu'il était Ange Libre. Cette situation en devint presque de l'abus de pouvoir.

Et là-bas, à la forteresse, ils perdaient espoir et commençaient déjà à l'oublier en sachant qu’un autre le remplacerait bientôt.


Jours après jours, il découvrait des paysages tous plus magnifiques les uns que les autres. Il traversa de grandes plaines et franchit des chaînes de montagnes immenses. Ce périple lui servit de pèlerinage. Il put réfléchir à la cause, et les conséquences de ses actions, peser le pour et le contre de ses décisions.
Il comprit vite qu'il avait certainement été déjà désavoué par ses anciens compagnons, ils l'avaient sûrement déshonoré et qualifié de lâche, ayant abandonné du jour au lendemain leur cause qu’ils pensaient juste.
"Puissent t'ils comprendre un jour." Pensait-il alors.
Ils ne pouvaient comprendre le mal qu’il eut pour les quitter ainsi. Mais c’était la seule solution pour lui de rester en vie.


Après deux lunes de marche, Rico pénétra enfin dans le royaume où se trouvait la citée. Il se trouvait dans un immense vallon. De partout on pouvait distinguer la ville centrale qui hébergeait le maître du domaine.

En lisant le panneau d'entrée il eut un fort pincement au coeur. Il lança un regard vers le lointain, il aperçut des montagnes enneigées.
Enfin ! Après tant d'années de recherche, grâce à un simple rêve… Un souvenir...
Ces montagnes !
Enfin !
Chez moi !

Le plaisir fut immense mais la douleur également. Chaque pas qu'il faisait lui rappelait les mauvais souvenirs qu'il avait eu dans ces contrées vertes et ensoleillées.
Il imaginait ses ancêtres courir ici. Chasser, vivre heureux.
Il les imaginait vivants en paix… Jusqu’au jour ou la mort vint les chercher, mettant un terme à tant de bonheur.
Ces monstres d’humains qui envahirent ces Terres pour les assassiner.

Il aurait voulu pouvoir faire demi-tour et oublier à jamais son passé, recommencer une vie nouvelle, mais c'était impossible... malheureusement.
Il s’arrêta... pensa à sa bien aimée… Puis repris la marche.

"Plus que quelques pas."

La journée semblait durer une éternité. Son regard continuait à fixer les montagnes tandis que ses pas le menaient vers la ville. Le soleil était au zénith et la chaleur devenait peu à peu étouffante. Sur le chemin, il croisa un paysan qui marchait également vers la ville accompagné de son mulet chargé de paille. Il déambulait le dos courbé, mais possédait encore toute la vigueur d’un être heureux.
Jusqu’ici il n’avait rencontré ou vu personne. La prospérité paraissait telle que seul les oiseaux semblaient peupler ces terres.
C'était une bonne occasion de se renseigner un peu.
Il l'interpella et lui demanda s’il connaissait une personne susceptible de l'aider dans ses recherches. Il lui fallait trouver un homme assez cultivé pour connaître l'histoire d'une troupe de Félys ignorée de tous dont le destin fut interrompu trop tôt par un destin cruel.

Par chance, le paysan avait entendu parler d’un endroit où Rico pourrait se renseigner. Il s'agissait de la demeure d'un Sorcier. Parait-il le plus puissant et le plus intelligent de tous. Il se nommait Tyrion "le puissant", et habitait cette région depuis la genèse de la citée. Il était connu pour être bon et sage, toujours prêt à aider les nécessiteux grâce à ses pouvoirs bénéfiques. "Voilà qui est parfait." Pensait Rico.
Cette rencontre tombait à pic, mais n’allais pas forcément se montrer bénéfique.

Le paysan le mena en personne jusqu'à l'arche qui délimitait l'entrée de son domaine. Rico pouvait sentir son coeur battre de plus en plus vite à travers sa poitrine.
Il se trouvait à présent devant l'entrée d'un magnifique manoir. Un frisson parcourut son corps, mais il était trop tard pour reculer. Encore une fois le destin lui forçait le pas.

Il fit sonner la cloche qui ornait le mur.
Personne.
Il recommença... puis encore une fois.
Alors qu'il s'apprêtait à la faire sonner une quatrième fois, il perçut un bruit de pas derrière la porte.
Un cliquetis se fit entendre, et la grande porte de bois massif s'ouvrit d'un seul bloc.

Le mage se trouvait derrière. De sa stature majestueuse, il dominait l'aventurier. Il portait, comme beaucoup de mages, une longue cape de velours bleu marine et tenait un bâton torsadé orné de chaque coté d'un cristal de quartz d'une taille impressionnante.
À la vue du Félys celui-ci eu un mouvement de sursaut. Ces yeux s'écarquillèrent comme s'il avait vu un fantôme et il fit un pas en arrière.
Mais Rico ne prêta guère attention à son comportement qu'il pensait accidentel. De plus, il n’était pas question de laisser passer une telle chance.
Il prit immédiatement la parole.
"Bonjour, je viens chez vous pour nécessiter votre aide. On m'a dit que vous étiez un grand sage."

Le sorcier sourit. D'un regard inquisiteur, il observa le Félys. Il semblait retrouver son calme.
"Oui... en effet... Bienvenue, entrez donc." Il s’écarta de la porte pour laisser entrer Rico en le priant d’entrer d’un signe du bras.

Le Félys pénétra dans le hall d'entrée tandis que le Sorcier fermait la marche. Les lourdes portes se refermèrent d'elles-mêmes. Le bruit du verrou se fit à nouveau entendre. Rico tourna la tête vers le Sorcier qui se trouvait derrière lui.
Un nouveau frisson le prit, il ne bougeait plus.
Un mauvais pressentiment l’envahit.

Le mage lui posa la main sur l’épaule.
"Et bien ? Avancez, je vous prie, laissez- moi vous offrir quelque chose à boire."

Rico suivit le mage et s'installa dans un fauteuil, face au sorcier.
Le piège s'était refermé.

Un travail se doit d’être terminé. Il y a longtemps que l’erreur commise dans le passé aurait dû être réparée…

Une fois bien installé près d'une grande fenêtre d'où entrait une lumière blafarde le mage prit la parole d'un ton et autoritaire.

"Bien, bien, bien... " Il se racla la gorge.
"À la vue de votre sac et de votre odeur je peut dire sans crainte de me tromper que vous avez fait un long voyage pour me voir!
D'où venez vous ainsi ?"

Rico, quant à lui, s’était mis à l’aise. Il était totalement en confiance et était prêt à avaler tout ce que lui dirait le mage sans broncher tellement son allure imposait le respect.
Sa tenue, son charisme, tout était signe d’une grande sagesse.

"Je viens tout droit de la forteresse des Anges Libres. Cela fait un mois que je voyage, c'est très loin, vous ne connaissez peut-être p..."
Le sorcier lui coupa la parole.

"Je connais très bien cette guilde. D'ailleurs j'ai tout de suite reconnu l'écusson que vous portez. Et pourquoi donc avez-vous fait un si long voyage petit Félys ?" Sur ces paroles le mage esquissa un léger sourire accompagné d'une pointe d'angoisse masquée.

Rico, légèrement contrarié, remarqua l’anxiété du Sorcier, mais ne comprenait pas son comportement. C’est pourquoi il préféra ne pas dévoiler toute l’histoire d’un seul bloc. Après-tout ce mage n’était qu’un inconnu, et qui savait s’il ne servait pas je ne sais quelle guilde de mal.

"C'est très long à expliquer.
Disons que je cherche ma famille. Et j'ai des raisons de penser que je pourrais trouver des informations ici."

Le silence se fit, le Sorcier était de plus en plus troublé. Rico espérait une réponse, mais elle ne vint pas.
Il reprit donc avec des paroles plus hésitantes tandis que le sorcier continuait à le scruter d'un regard de plus en plus inquiétant.

"Je...
J'ai besoin de vous sur ce point.
J'aimerais savoir si vous avez des infos sur une troupe de Félys nommés Djeerids." Le sourire et la sérénité du sorcier disparurent. Tout laissait à penser que ce nom ne le laissait pas indifférant. Il eu un regard d’incompréhension. Finalement son sourire revint encore plus large et plus effrayant.
Rico, trop occupé à trouver ses mots, continua sans faire attention au Sorcier. Il préférait détourner le regard car il ne s’était jamais dévoilé ainsi devant un inconnu.

"Nous avons été... Je...
Je pense avoir vécu ma petite enfance pas très loin d'ici. Nous nous sommes dispersés, à cause... hum...
Avez-vous déjà entendu parlé de cette troupe?" Il n’osa pas dévoiler la cause de tout cela pour ne pas attirer les foudres de l’Humain.

Un moment de silence s'en suivit. Le mage semblait penser à la façon dont il allait ordonner sa réponse. Il était impatient, mais se forçait à ne pas se hâter.
Sa main serrait le manche de son sceptre et toujours en souriant, il prit une grande inspiration.

"Tellement de choses à dire."
Le coeur du Félys reprit son rythme infernal.
"Mais pour patienter, acceptez un verre à boire.
Laissez moi vous proposer mon infusion spéciale."

Presque aussitôt un petit Troll déposa deux verres d'un liquide turquoise sur une petite table près des deux fauteuils.
"Je vous en pris, buvez."
Rico ne pus refuser l'invitation, d'autant plus que ses lèvres lui donnaient la sensation de ne pas avoir bu depuis des mois... sensation due au stress certainement.
D’un geste rapide, le Félys bu cul sec le verre remplis d'un nectar délicieux.

Il était temps de connaître la vérité.

"Parlez, je vous en supplies" Dit Rico d’une voie tremblante.

"Bien... Je suis ravis de voir que ma boisson vous plaît.
...
Mais allons aux faits.
Je vis ici depuis des dizaines d'années déjà. Et je connais bien les histoires liées à ta troupe.
Ces Félys peuplaient ces terres bien des générations avant l'arrivée des humains. À ce stade, on ne pouvait pas vraiment les considérer comme des Félys. Ce n'étaient encore que des animaux des plus féroces. “

Le ton du Sorcier ce fit alors plus sévère. Il se leva pour mieux dominer le Félys.
Rico quant a lui préférait rester immobile tant l’éxitation était à son comble... Bien que l'attitude du Sorcier commençait à l'inquiéter.
Pour se rassurer, il posa la main sur le pommeau de son glaive.

"Des créatures félines dotées par les dieux de l'intelligence et du comportement des Trolls. Des monstres disaient certains. Je dirais plutôt des animaux." Rico continuait à écouter, mais avait un regard réprobateur envers le mage.

"Ils vivaient comme tel dans ces prairies. Jusqu'au jour où les premiers colons arrivèrent. De simple et innocents paysans à la recherche de terres plus fertiles.
Mais ils furent TOUS massacrés par les tiens. Sans pitié et de manière monstrueuses." Les paroles du Sorcier se firent de plus en plus rapides. Son regard se faisait plus sombre, son expression plus haineuse. Tandis que Rico ne comprenait pas le comportement et les paroles du Sorcier.

"Il s’en suivit une guerre sanglante entre humains et... ces créatures.
Plus il venait d'humains plus ils faisaient preuve de cruauté. Leur soif de sang ne s'étanchait jamais. Ils massacraient un à un les humains de manière atroce"

Rico, ne pouvant plus admettre ces paroles, se leva brusquement et dégaina son glaive en criant.
"S'en est assez ! cessez de raconter vos mensonges ! Vous me prenez pour un idiot ! Je connais la vérité! "

Le sorcier, loin d'être impressionné par le Félys, continua.
"Arrête donc de miauler petite créature insignifiante.
C’est la pure vérité que je te compte là. Et nous savons tous deux que tu ne me tueras pas car tu veux la connaître. "
Le mage approchait peu à peu son visage de celui du Félys qu'il dominait d'une bonne tête au moins.

Les paroles de l’humain étaient d’une puissance. Elles traversaient le corps de Rico comme des milliers de lames aiguisées.

Après un instant de pause, il continua son discour déstabilisant.
"La guerre prit des allures de croisade, ces terres devaient être nettoyées de vos sales faces. Trop de morts, trop de sang humain avait coulé.
Vous aviez tué trop d’innocents, il était temps d’en finir."
L'envie de transpercer de part en part cet insolent harcelait Rico, mais il préférait écouter ces calomnies... dans le doute qu’elles soient vraies.
Malgré tout il ne pus s’empêcher de répondre violemment.

"Fermez là ! Ce sont les Humains qui ont attaqué mes ancêtres. N'inversez pas les rôles ! Nous vivions en paix avant votre arrivée."

Les paroles fusaient à droite et à gauche avec une violence inimaginable. Le sorcier affichait un sourire malsain. Mais Rico ne pouvait percevoir q'une toute petite part de la haine et toute de la colère dont était empli son regard.

"Je reconnais bien là la furie des tient, vous n'êtes que des monstres. Vous vous faites passer pour Félys mais tu sais aussi bien que moi que vous n'êtes que des animaux !
Bien sûr ils ont pus tenter de te faire croire à leur mensonges, mais ce que je te dit là est la vérité."

Après une seconde de pause, le sage reprit de plus belle.
"Il était temps d'agir. Les monstres qu'étaient tes ancêtres avaient fait suffisamment de victimes. Il fut décidé l'envoi d'un contingent des meilleurs combattant de l'armée royale. Ces défenseurs du bien avaient déjà participé à beaucoup de guerres, mais jamais ils n’avaient rencontré de tels monstres.
...
Des guerriers forgés et dominés par une furie infinie à tel point que même le ventre transpercé de part en part ils trouvaient toujours le moyen de combattre avant de mourir.
La vérité, c'est que même les orcs faisaient preuve de plus de discernement et d’intelligence au combat.
Je les haïssais, et je les hais toujours
Et voila qu'un de leurs descendants ose s'être mis au service des Anges Libres."

La lame du glaive de Rico s'approchait peu à peut du ventre du mage, mais celui-ci restait de glace.
"Ce que vous dites est faux ! Et mon engagement n'a rien à voir ! Qu'en savez-vous ?" Cria Rico.

Un sentiment de tristesse envahit le regard du Sorcier. Il releva les yeux et se tourna vers la fenêtre.
"Crois moi... je faisais partie du premier contingent envoyé. Et j'ai pu voir les atrocités commises par les guerriers qui se prétendaient possesseurs de ces Terres.
J'ai vu les actes commis par tes ancêtres, et je rencontre à présent le même regard. Vous n'avez pas changé, vous êtes restés exactement les mêmes meurtriers.
Tu ne sent donc pas ce plaisir qui vous caractérise quant tu tues quelqu'un?“
Rico ne sus quoi répondre… Le sage disait vrai.

"Je vois dans ton regard que j'ai raison.
Tes ancêtres ont tué des dizaines de mes compagnons. Mais, grâce à ma puissante magie, j’ai pu m'en tirer... et je fus bien l'un des seuls.
Car lorsque tes ancêtres avaient l’occasion de capturer un humain. Il le torturait jusqu’à ce qu’il rende l’âme. Il le dévoraient vivant, petit bouts par petit bouts.
J'ai eu le privilège d'égorger ceux que tu appelles Djeerid. J'ai pu leur faire payer leurs pêchers commis. Quel plaisir ce fut de vous voir crever comme des chiens les uns après les autres.

À présent, le tout est de savoir qui hait le plus l'autre !
Qui a le plus de raisons de mourir.
Contrairement à toi j'y étais... et si tu avais été là, tu serais de mon avis.

Il est temps s’en finir avec ce qui a été omis dans le passé."

Le visage du Félys était déformé par la colère. Il ne pouvait croire aux paroles du Sorcier, mais son éloquence ne pouvait que réveiller le doute qui l’habitait déjà.
"S'en est trop !" Hurla-t'il.

Il brandit son glaive afin d'achever le mage d'un coups et pour qu’il ne blasphème plus jamais sur sa troupe. Mais lorsque sa lame se trouva au plus haut, il sentit le besoin inexplicable de la lâcher. Il fut pris de vertiges qui le firent tomber à terre comme un misérable enfant. Tout tournait autour de lui. Il dus vite fermer les yeux pour éviter de vomir. Il comprenait doucement qu’il s’était lui même enfoncé dans un piège mortel.

"Tu me crois assez stupide pour avoir prit de tels risques ?
Tout les tiens ont déjà payé, sauf toi.
Et comme les autres tu vas devoir y passer.
…
Mais te tuer serait bien trop banal.
Tu vas vivre ce que vivaient nos hommes s’ils avaient le malheur d’être capturé par les tiens. Tu vas tout essayer, et je te promets de te garder en vie tant que je n’en aurais pas fini !
Je te préviens... tu vas vivre un enfer !"

Le Sorcier jubilait comme un enfant découvrant un nouveau jouer. Il était difficile de discerner le bien du mal dans la situation actuelle.
Tous deux défendaient le bien... en apparence. Mais l'un des deux méritait de mourir.
Le Sorcier observait de haut Rico qui tentait en vain de se relever... la boisson qu’il avait bue sans se méfier était en réalité une drogue... Et malgré tous ses efforts. Rico était réduit à l'impuissance. Il ne pouvait plus que subir les paroles du mage.

"Mais avant tout... écoute la fin de l'histoire.
...
Après plusieurs mois, ta troupe finit par abandonner.
Il ne restait du champ de bataille plus qu'une prairie devenue rouge.
...
Un puissant guerrier survivant fut nommé gouverneur. J'avais pour mission de le seconder. Les colons affluèrent à nouveau, tentant d'oublier la monstruosité des anciens habitants de la région.
...
Les tiens avaient disparus, et nous ignorions ou ils se terraient. Jusqu'à vingt ans plus tard quant quelques individus découvrirent votre cachette dans les montagnes.
En apprenant la nouvelle la décision d'en finir avec vous fut prise immédiatement et sans aucune hésitation.
Tu devras un jour accepter que ta survie est une erreur... que tu devras mourir comme tout les autres."

Rico ne parvenait même plus à parler, mais de petits rugissements misérables laissaient entendre sa désapprobation.

"Haha...
Tu ne peux plus rien faire à présent... cesse de lutter, ça ne sert à rien... au contraire, tu risque de mourir... et nous ne le souhaitons pas... pas encore...

Je continue.
Cette fois nous avions l'avantage de la surprise, et vingt ans dans les montagnes vous avaient affaiblis. Nous vîmes à bout de votre puérile stratégie de défense en quelques jours.
Elle était digne de votre intelligence... des plus archaïques.
...
Malgré tout, les plus jeunes parvinrent à s'enfuir.
Mais pas pour longtemps...
Et c'est ainsi que je vais répondre à ta question.

Tu n'en rencontrera plus d'autres. Tu est le seul survivant. Il y en a bien un qui est venu, il y a quelques années... tout comme toi, mais il a subi le même sort que celui qu'on te réserve.

À propos... je ne vais pas garder égoïstement le plaisir de voir ta déchéance. Le seigneur de cette citée sera ravi d'y participer.

Il est temps de finir le travail...
Bonne nuit mon chaton.
Ton heure est proche, mais ne t'inquiète pas... tu supplieras pour voir la mort t'emmener."

Un éclair jaillit du sceptre du Mage et vint mettre fin aux espoirs de Rico dans un cris de douleur. L’obscurité envahit ses yeux tandis qu’une larme coulait le long de sa joue.
" Que l’obscurité emmène ton âme en enfer ! "

"Hun ?
Qu'est ce que !"

Le noir, l’obscurité totale. Pas la moindre lueur… de lumière ou d’espoir.
L’obscurité qui avale les êtres à leur mort.
Les yeux du Félys sont ouverts, mais il ne voit pas.
Un sens de moins, et le monde semble différent.
C’est peut-être un rêve… ou plutôt un cauchemar. C’est peut-être la mort, mais cela semble si réel.
Les souvenirs reviennent un à un… son esprit est troublé. Le piège s’est refermé, il est trop tard à présent. La forteresse des Anges Libres lui manque tellement d’un seul coup.

Puis cette sensation… de ne plus pouvoir bouger. Une position inconfortable. Il serait temps de se lever et d’affronter ses erreurs. Mais c’est impossible.
Rico commence doucement à bouger, ces membres sont engourdis, mais ce n’est pas cela qui le retient.
Il est adossé à un mur, ses mains pendent au-dessus de sa tête. Et c’est tout son corps qui semble flasque. Ses pieds touchent à peine le sol. Ses mains, ses jambes et son bustes sont entravés par des chaînes invisibles.
Seul leur cliquetis se fait entendre dans l’obscurité qui règne.

Rico se débat, mais rien n’y fait.
Il pousse un léger rugissement. Celui-ci résonne on ne sait comment.

Il fait froid, ce mur est si humide, l’eau y coule.
Le voilà prisonnier, dans une pièce inconnue, d’un bâtiment inconnu, d’un lieu inconnu et d’un monde inconnu.
Il a déjà perdu espoir, quelques fois, il faut se résigner et accepter son sort.
Des idées noires le préoccupaient.
Ce qu’avait dit le sorcier était-il vrai ? Il ne connaissait ces histoires qu’à travers des comtes et légendes transmises dans la troupe. Et s’il était vraiment le descendant de bêtes sanguinaires.
Les Djeerids était-ils des monstres ?
Cela expliquerait tant de choses qui le différencient des autres.

Puis des souvenirs.
Ce noir, il le connaissait. Il se sentit revenir en arrière. La boîte ! Dans laquelle il fut retenu captif la première fois que des humains l’arrachèrent à sa terre.
Cette boîte même qui le protégea de la mort. Qui lui permis de ne pas être dépecé, mais plutôt présenté en place publique.

Cette fois, il savait que personne ne viendrait le chercher ici. Il était temps de se préparer à voir la mort.
Une question restait cependant. Qu’allait-il lui arrivait ?
Pourrir ici… Être oublié pour l’éternité dans ce lieu comparable aux enfers.
Ou… Le sorcier avaient parlé… De souffrances.
Le pire était l’idée de ne plus revoir la lumière. Mais finalement, c’est peut-être ce qu’il méritait. Un tel monstre ne peut rester en liberté.


Puis soudain ! Une lueur, un flash blanchâtre d’une intensité infinie. Puis la douleur. Un pincement qui prend les organes, qui parcours le corps. Une brûlure, une flamme, qui traverse le corps de part en part.
La sensation de se voir transpercé, comme…
Foudroyé !

Rico hurle. Jusqu’à l’étouffement. Tant de douleur dans un si petit corps. Puis la lumière s’amenuise. Pour laisser place à une nouvelle douleur. Une brûlure intense, l’odeur de la chair et des poils calcinés. Une destruction par le feu du corps.

Le visage du Félys se tend, il a mal, c’est sûr. Mais ne peut se voir ni se palper. Peut-être ses organes se déversent-il sur le sol !
Ses jambes ne le tiennent plus, il pendouille lamentablement le long du mur de pierre.
Il reprend ses esprits et dit d’une voix fébrile.
“Qui... arrhh…
Qui est là ?
Libérez-moi ou vous mourrez !
Mes compagnons vont venir me chercher, et vous tuerons ! "

Un petit ricanement se fait entendre.
"Imbécile !
Tu ne les a pas prévenus de ton départ.
Et cesse donc de gémir ainsi, ce n’est rien comparé à ce qui t’attend.
…
Mais pour le moment, tu mérite une petite leçon.
Ça c’est cadeau.
Paye ton insolence !"

Un nouveau flash de lumière blanche. Puis de nouveau cette douleur. Le corps du Félys gigote le long des chaînes comme un petit ver de terre mutilé.
À nouveau cette odeur, cette sensation, puis le retour à l’obscurité.
Et ces cris assourdissants !

"Bien, j’aime mieux cela… "
C’est une voix humaine, une voix inconnue.
La voix d’un homme qui a la vie du Félys entre ses mains… Mais qui ne semble pas d’humeur à le laisser en vie.

Ses bras étirés au-dessus de sa tête lui font mal, mais rien à faire. Ses jambes pendent, et ne parviennent plus à supporter son poids.
Il pousse un petit gémissement.

" Cesse de miauler ainsi !
Je m’attendais à mieux.
Je viens à peine de te toucher.
Mais ne t’inquiète pas, cela ne te tuera pas. Pas question d’en finir si facilement ! Tu vas payer pour toute la souffrance qu’ont engendrée tes ancêtres. "

Puis le silence, à nouveau.
Rico sent sa peau qui cloque. Tout son buste le brûle atrocement. Mais il doit se taire, pour l’honneur.
S’il doit mourir, il devra montrer son courage, comme tout bon Djeerid.

"Vous payerez ! " Chuchota Rico.
Mais l’homme ne répondit pas.

Puis, après la douleur, la peur. La peur d’être à nouveau frappé à chaque instant par cette lumière.
Rico a peur, tout comme il y a si longtemps. Un guerrier Djeerid ne doit pas avoir peur. Mais il n’y peut rien.
Il tremble, comme un lâche. Il perd espoir.

La soif se fit sentir en premier, puis le sommeil. Les paupières de Rico étaient lourdes. Et la douleur ne le quittait plus.
Malgré l’appréhension de s’endormir à jamais, Rico se laissa emporter par la douceur que procure le sommeil.
Et peut-être se reveillera-t’il dans son lit.

" Non !"
Un nouveau flash apparut.
Douleur, brûlure, odeur, souffrance… à nouveau.

"Il n’est pas question de dormir misérable !
Tu n’est pas ici pour te reposer."

Rico perçut les bruits de pas. Il pouvait l’entendre s’approcher. Il n’osait imaginer quelle torture il allait lui faire endurer dans un instant.
Il sentit le long de son cou, se poser la main de l’humain. Il sentit son odeur, qu’il n’oubliera plus jamais.

Soudain, la main saisit la crinière du félys, et la tira vers l’avant. Ses membres étaient étirés vers l’arrière tandis que sa tête était en avant. Il put sentir chacun de ses crins céder sous la tension. Cassant, s’arrachant, emportant des lambeaux de chair et de sang.

Il criait à nouveau, en serrant les dents. Impuissant, il ne pouvait rien faire, il ne pouvait que souffrir.

Il subit ainsi tous les traitements imaginables. La douleur devenue peu à peu habituelle, son corps ne lui obéissait plus. Mais il ne pouvait plus supporter cette obscurité. Il ne pouvait ni dormir, ni boire ou manger. Il ne pouvait ni bougeait ni parler.
La seule chose qu’il pouvait encore faire était écouter et crier.

Il ne pouvait pas se voir, mais il pouvait deviner son état.
Les poils brûlés, la chair scarifiée, les crains arrachés, le sang séché, la soif, la douleur.
Puis la colère, la souffrance, la haine… Et la peur… Tant de peur.

Un matin ou peut être un soir, après tout il n’y a pas de jours quant tout n’est qu’ombres. Le temps était devenu abstrait, superflu. Peut-être était-il là depuis deux jours, peut-être un an. Comment savoir quant on ne dort plus.
Qui sait de quoi étaient capables ceux qui le retenaient.

Bref.
Ce jour-là... l'humain vint, comme à son habitude pour assouvir ses désirs de vengeances. Rico l’entendit venir, il sentit les vibrations, les courants d’air, les bruit si faible que nul n’aurait pu les percevoir sans avoir connu cela...
"Bonjour, petit Félys...
Tient ! c'est maintenant que j'y pense... je ne connais pas ton nom.
As-tu un nom ?"

Rico ne répondait plus.
"Je vois...
Tu ne mérite pas de porter un nom de toute manière.
Tu n’es qu’une ridicule créature malfaisante.
Et comme tu l'a compris, j'avais raison. Les Anges Libres ne sont pas là. Ils ne font plus attention à toi. Tu n'est qu'un pantin. Tu ne leur sers plus à rien à présent.

Petite créature immonde tu me répugnes. Tu n'a même pas essayé de t'enfuir, ta vie n'a aucune importance. Tes ancêtres étaient des monstres et tu es un monstre aussi.
Je te hais, et je hais tous tes semblables.
Et tu as fait la preuve de ton incompétence.
Espèce de… monstre. Tu te prétends Félys... Je connais les Félys, et ils n'ont rien à voir avec toi.
Je te rassure... c'est ton dernier jour sur ces Terres.
Mais nous allons contenter les foules en t'exécutant en place publique."
Un long silence suivit.
Après plusieurs minutes, l'humain reprit.

"Tu m'a l'air dans un piteux état, tu ne vois rien, mais si tu te voyait, tu n'y croirait pas.
Je doit dire que je suis plutôt fier de moi.
...
Peut-être que la douleur suffira à te faire comprendre le mal que tu a fait.
Je veux t'entendre me supplier... de mourir.
...
Allez !"
Rico comprit alors que l'endroit où il se trouvait n'était pas sombre, un sortilège le rendait aveugle... Ou peut-être l'était-il vraiment ! cette idée le terrifia. La vue était la seule chose qui lui restait. Même si ce séjour lui permit de développer son ouïe, il voulait revoir la lumière un jour.

L'humain frappa de toutes ses forces sur le flanc du Félys avec une barre de fer lourde hérissée de pics.
Rico n'avait plus la force suffisant pour gémir. Son corps valsa vers le coté opposé au coup.
"Allez ! Supplie moi !"
Rico marmonna quelques mots incompréhensibles.
"C'est ainsi."
L'humain frappa à nouveau mais du côté opposé. On pouvait entendre les côtes qui craquaient sous les coups, sentir l'odeur du sang et de la sueur.
Mais ce n’était que quelques os brisés de plus, quelques gouttes de sang en moins.

La voix du Sorcier se fit entendre. C'était la première fois que Rico l’entendait depuis sa mise en captivité.
"Tu a fait du bon travail... J'espère que tu lui as fait payé comme il le mérite.
C'est l'heure à présent... mais avant d'y aller... laisse-moi seul avec lui."

Silencieusement, l'inconnu quitta la cellule pour laisser le Sorcier et Rico en seuls.

"À nous deux.
C'est injuste, je ne me suis pas encore occupé de toi.
Laisse-moi te donner un petit souvenir de moi."

Un courant d’air caressa le visage du Félys. Un bruit de métal frotté se fit entendre.
Puis l’humain toucha l’œil gauche de Rico avant de le fermer de force. Rico sentit un objet froid sur son visage. Puis une pression, la sensation du métal froid.
D’un geste précis et méticuleux, le Sorcier traça à l’aide d’un couteau de sacrifice, une longue entaille allant du dessus de l’œil à la commissure des lèvres.

Le sang coulait doucement le long de sa joue.
"Voilà qui est fait.
À présent, deuxième étape... attention sa va faire mal."

L’humain déposa quelques gouttes d’un liquide étrange au-dessus de son oeil. Rico sentait le liquide coulait le long de sa plaie. Une sensation de brulure l'envahit. Il sentait son visage en feu et tout son corps mutilé endolori. La douleur comme il n'aurait jamais pu l'imaginer.
Et malgré son état, un rugissement digne des plus féroces lions sortit du fin fond des entrailles de Rico.
L'humain se mit à rire.
"Ahhhh
Tu a mal n'ai-ce pas !
Tu paye tout le mal que tu as fait !
Petit être pitoyable que tu es.
...
Cela te fera un souvenir de moi. Cette souffrance ne te quittera plus, chaque jours tu sentira cette brûlure comme les tients m'ont fait souffrir pendant si longtemps... faut-il encore que tu survive. Ce poison qui dégouline sur ta joue a la particularité de tuer ses victimes par simple contact avec la chair.... une fois sur deux à peut près.
Je pense que tu y survivras.
Quant à ta vue, tu la retrouveras... d'ici quelque temps... mois ou années, je ne sais pas non plus.
...
Ah !
Vous êtes là vous !
Allez-y !
Emmenez le... la foule attend.
Un joli spectacle en perspective."

Un nouvel individu s’avança, tandis que le sorcier partait.

L’inconnu déverrouilla les entraves qui liaient Rico au mur depuis si longtemps et le prit sur ses épaules comme un fétus de paille.

Lorsqu’il le souleva ses os, malmenés et immobilisés depuis son incarcération, craquèrent dans un bruit désagréable. Le sang continuait à couler du visage de Rico.
Chaque nouveau contact ou frottements le brûlait
"Il a perdu du poids..." Remarqua l'inconnu.

Rico ne pouvait plus bouger depuis bien longtemps. Et ne pouvait que continuer à écouter, pour la dernière fois de sa vie. C'est comme si à chaque pas que faisait l'inconnu, il voyait la mort s'approcher. Son corps mutilé n'avait plus rien de Félys. Mais cela n'avait plus d'importance à présent.

L'humain marchait toujours... le chemin semblait durer une éternité.
"Aaaarrrrrrrrrrrhhhhhhh"
Le corps inerte du Félys tomba subitement au sol.
Un cri ! mais ne provenant pas de Rico…
Puis une voix résonna dans les couloirs. Elle semblait venir de nulle part et ressemblait à celle du Sorcier.
"Même la mort ne suffira pas à te faire payer.
Durant toute ton existence, tu a haït les humains. Tu a compris à présent ?
Ce que je t’ai dit est la vérité. Et tu payeras, à travers cette cicatrice que tu conserveras toute ta vie, et à travers tes remords."

Puis la voix se tut. Pour ne plus revenir.

Allongé sur le sol, Rico ne savait plus quoi faire. Son esprit confus ne contrôlait plus son corps.
Il leva difficilement la tête. Le regard dans le vide, on pouvait voir ses pupilles envahies d’une tache sombre rouge.
Il ne pouvait rien voir.
Et ignorait où il se trouvait.
Une nouvelle épreuve débuta pour le Félys.

La mort est loin d’être la pire des punitions. La souffrance en est une autre bien pire. La souffrance éternelle.

Le corps de Rico rappelait vaguement celui d’un humanoïde. Tant de douleur dans un si petit corps. Il avait pleuré dans cette cellule toutes les larmes de son corps.
Mais ce n’était pas suffisant pour ceux qui le haïssaient bien plus qu’il n’aurait jamais pus l’imaginer.

Et si le sorcier disait vrai… Et si les Djeerids n’étaient que des monstres. Peut-être Rico n’aurait pas du chercher ainsi.
Qu’a-t-il obtenu ?
La douleur, la peine, la folie. Et cette cicatrice.
Mais pas seulement… Il a obtenu la vraie liberté. Plus de questions futiles, plus d’espoirs plus de quêtes.

Mais la haine, la haine et la colère, la liberté de tuer, la liberté d’agir. Le droit de vivre pour soi. La capacité de vivre tout en palpant la mort.
Rico est mort dans la cellule, mais il renaît aujourd’hui.


On ne peut imaginer que dans son corps étendu au sol se trouve encore la moindre étincelle de vie. Pourtant, une flamme le maintient vivant. C’est celle de Djeerids.
Jamais ses ancêtres ne le laisseront mourir tant qu’il n’aura pas accompli son destin. Sa renaissance n’est qu’une étape. Il s’est éveillé.


Lentement, Rico se redresse. Derrière les quelques touffes de crinière restante, on pouvait voir son visage. Sur celui-ci on lisait la volonté si puissante, mais si naturelle… De vivre.

Lentement, à quatre pattes, il avança. Malgré l’obscurité qui dominait son regard, pas après pas, il se frayait un chemin à travers les couloirs humides du lieu ou il se trouvait.



Quelques minutes passèrent, puis Rico sentit un courant d’air parcourir son corps. Malgré la douleur et l’état de son corps, il continua à avancer doucement, en laissant derrière lui une piste de sang.
Et enfin, après tant de peur, tant de maux, tant d’épreuves, il put respirer l’air frais d’une forêt.

Il était impossible pour lui de savoir s’il faisait jours ou nuit. Mais il savait qu’il devait continuer à marcher…